Notre contributrice

Victoria Petri

Métier / fonction : PDG Mademoiselle Gold
Domaine d’activité : Cosmétiques et beauté
Vous en un mot : Passion

“Il faut savoir s’écouter, il y a beaucoup de peur avec l’inconnu. S’écouter c’est hyper important. Il faut définir son propre cadre sécurisant pour pouvoir avancer et ne plus avoir peur de se tromper.”

“Je veux me sentir bien dans mon écosystème et que mon écosystème se sente bien avec moi. La réussite humaine passe avant la réussite matérielle. Le modèle unique de fonctionnement n’existant pas, il faut différents modèles pour que tout le monde s’y retrouve.”

“C’est aussi parce qu’on est bien, qu’on est motivé et qu’on est investi qu’on arrive à être plus performant et atteindre les objectifs. La performance et le bien-être sont fondamentaux. Les deux forment un cercle vertueux, se soutiennent et se tirent vers le haut.”

Le boulot me suit partout

Le fait d’être cheffe d’entreprise, je ne le perçois pas comme le salariat que j’ai pu vivre avant. J’ai toujours été collaboratrice impliquée dans mon travail mais malgré tout, quand je quittais le boulot, j’y pensais toujours un peu, mais je quittais le boulot réellement. Alors que maintenant, ça me suit tout le temps et partout. Le lien vie pro et vie perso est évidemment très fort et même quand je ne travaille pas, j’y pense, je fais toujours des liens quand je vois des choses le week-end. Je me dis : “Tiens, il y a ça que je n’ai pas fait, ou ça me donne des idées pour le boulot. C’est très connecté tout le temps.

Ça me plaît parce que j’aime ce que je fais et quand j’y pense, je trouve ça chouette. C’est plus pénible quand je n’arrive pas à m’endormir le soir. A partir d’une certaine heure, j’aimerais bien borner. Mais j’ai parfois eu des super idées en dehors de mes horaires de bureau.

Les plus jeunes investissent plus le privé

On aime avoir des gens qui soient super investis. En même temps, je trouve ça très bien ceux qui coupent pour revenir en meilleure forme, avec des idées neuves. Je ne suis pas sûre qu’aujourd’hui ma génération, mais surtout celle d’après, aient vraiment envie que cette barrière pro et perso se casse. Je pense que les jeunes aiment bien bosser, mais ils aiment bien avoir leur vie personnelle à côté. Autant du côté managers et dirigeants, on attend un peu des équipes que les barrières deviennent moins étanches ; autant côté collaborateurs, j’ai l’impression qu’ils tiennent à cette barrière. Du peu de recul que j’ai, avec une dizaine d’alternants et de stagiaires qui ont travailler avec moi. Donc, je n’ai pas un énorme recul, mais c’est bien ce que j’ai ressenti auprès des générations plus jeunes que moi. 

J’ai besoin de me réaliser par le travail

C’est hyper important pour moi. Pourtant, dans mon entourage, ce n’est pas forcément le cas. Il y en a pour qui c’est important de se sentir bien au boulot et quand ils n’y sont pas, c’est parfait. Alors que moi, c’est aussi pour ça que j’ai aussi monté ma boîte, je n’arrivais pas à me trouver suffisamment à l’aise et suffisamment bien dans mon job, et ça me pesait beaucoup.

J’étais directrice adjointe et au sein de l’équipe je ne me sentais pas à l’aise dans les relations humaines, etc, c’était compliqué. Là où je travaillais avant, ça se passait bien avec mes collègues mais je ne me sentais pas libre. Pourtant, quand on est chef d’entreprise on n’est pas forcément plus libre, contrairement à ce qu’on peut penser. Je suis plutôt quelqu’un de discipliné, je n’ai pas de problème avec l’ordre mais c’est plus les comptes à rendre, des objectifs précis à faire pour toujours rentrer dans le moule, etc. Je sentais au fond de moi que je n’étais pas pleinement épanouie. Je ressentais un truc que je pourrais traduire par ce besoin de liberté.

Rendre des comptes… à soi-même

Je suis très carrée, très organisée mais ce sont les travers de cette liberté. On peut se dire : “Je ne me lève pas ce matin, je ne vais pas bosser, aucun problème”. Donc, il faut quand même avoir cette rigueur. On a la liberté d’organiser sa journée, de faire les tâches qu’on a envie ou non. C’est évident. On n’a pas de compte à rendre à un chef mais on a des comptes à rendre à soi, à ses fournisseurs, à ses clients. C’est une autre forme de liberté. 

Et elle me convient. Parce que c’est moi qui la décide, je fixe aussi mes limites ou pas, je m’organise comme je veux. Ça fait un peu psychologue ce que je vais dire, c’est un peu comme si quelqu’un avait toujours envie de sortir mais que la porte était fermée. Et ce n’est pas parce qu’on lui ouvre la porte qu’il va sortir. Mais en tout cas, il sait qu’il a ce choix d’y aller ou pas. Je le ressens un peu un peu comme ça.

Ecouter ses limites

Et à tous les âges. Ce n’est pas parce que jeune on va penser les choses d’une certaine façon, qu’en vieillissant, les choses ne vont pas bouger. Je pense qu’il faut vachement s’écouter parce qu’à un moment donné on a décidé ça comme ça et que ça ne peut pas bouger et ne pas s’enfermer. Je pense à tous ces gens qui restent toute leur vie dans un job qui ne leur plaît pas, où ils s’ennuient, se plaignent toute leur vie, mais qui ne changeront jamais. Il faut savoir s’écouter, il y a beaucoup de peur souvent car l’inconnu suscite cela. S’écouter c’est hyper important, et définir son propre cadre pareil. Ça me ferait plus flipper de rester dans un truc où je me sens mal que de changer.

A partir du moment où il y a des matins où on a plus envie de se lever que d’autres. Quand, au bout d’un an, ça se répète, je trouve qu’on a un gros indice. Cela ne veut pas forcément dire qu’il faut tout quitter et tout changer mais il faut peut-être se dire que là on ne sent pas bien et s’interroger sur la gêne. Je pense que ça sous-entend d’ouvrir des portes que certains n’ont pas toujours envie d’ouvrir. Parce qu’un inconfort qu’on connaît, il est peut être inconfortable mais on le connaît. Pour régler cela, je dirais de s’écouter, d’essayer de se connaître et de ne pas avoir peur de se tromper aussi. En France, c’est très mal vu quand on se trompe alors que ce n’est pas grave. On a du mal là-dessus je trouve.

L’erreur comme un progrès

Quelqu’un qui ne se trompe jamais, n’a pas le bon goût de la victoire ou de la satisfaction d’avoir fait quelque chose de bien. Se remettre un peu en question, ça nous fait dire aussi qu’on aurait pu faire mieux. Après, je pense que la définition de la réussite est très différente en fonction des individus. On n’a pas du tout la même notion. Pour moi, ce n’est pas forcément lié à la réussite dans mon travail.

Me sentir bien dans mon écosystème et que mon écosystème se sente bien aussi

Par écosystème, je parle de mon mari, mes parents, mon frère, ma famille. Donc, je place ma famille au-dessus du travail, ce qui reste très important pour moi et d’ailleurs je travaille beaucoup. C’est un peu paradoxal. Pour moi, la réussite c’est arriver à tout concilier et que mon entourage et moi nous nous sentions bien. Le côté matériel passe bien après les relations humaines.

La réussite, ce serait qu’on arrive ensemble à atteindre nos objectifs de l’année, que ça se déroule bien, que tout le monde se sente bien. 

Sans ça, réussir ses objectifs serait moins savoureux. Arriver à la fin de l’année et me dire qu’on a fait nos 500 000 euros de CA en un an, mais que tout le monde est complètement cassé, que les gens veulent partir, ou se sentent mal, je n’aurais pas de satisfaction.

Donc, c’est aussi parce qu’on est bien, qu’on est motivé et qu’on est investi qu’on arrive à être plus performant. Donc, les deux sont un cercle vertueux qui se soutient et qui tire vers le haut.

Oser l’idéalisme

J‘ai l’impression que les jeunes marques nous ressemblent. On est de plus en plus à avoir envie de ça. Je me dis que c’est bien. Quand je parle du boulot autour de moi, mon avis reste très rare. C’est très rare qu’on me dise : “ouais, c’est pas tous les jours facile mais c’est cool”. Au contraire, plus de gens se plaignent d’avoir un chef horrible ou une collègue avec qui ils ne s’entendent pas du tout. On l’entend tous aujourd’hui. Je trouve que la souffrance au travail est très présente.

Avec une baguette magique, je mettrais de l’écoute, de l’empathie et de la proximité. C’est peut être facile pour moi de dire ça, parce qu’on est encore une petite marque, on est cinq. Donc, je passe beaucoup de temps avec tout le monde : quand ils arrivent pour les former, pour leur expliquer, etc. Une stagiaire et une alternante m’ont quand même dit plusieurs fois, et c’est important pour moi, que j’étais un peu comme la maman de l’entreprise. “Tu nous montres comment faire et après tu nous laisses faire, mais on sait que tu es là si ça ne va pas.” J’ai trouvé que c’était une jolie phrase. 

Ça veut aussi dire qu’il y a plein de gens différents, avec des idées différentes, des façons de faire différentes. Vraiment ce côté équipe, c’est se dire qu’on est tous différent mais on est tous dans le même bateau. L’idée c’est qu’on fonctionne ensemble et que ça marche. Je pense que c’est important d’avoir aussi un chef d’équipe qui soit une certaine forme d’exemple malgré tout. Parce qu’on en a besoin. Avec quelqu’un qui n’est jamais là, le bateau tangue déjà un peu. Donc, il faut des gens qui soient présents, une équipe investie qui s’entend bien, qui marche dans la même direction. Avec des valeurs peut-être parfois différentes, mais les valeurs les plus fortes doivent rester communes. 

Le capitaine comme exemple

Sur le caractère, il faut que ce soit quelqu’un de sympa, mais en même temps, il faut arriver à trouver le bon compromis entre quelqu’un sur qui on sait qu’on peut compter mais qui reste un supérieur. Ce que je dis tout le temps aussi, c’est de ne pas avoir peur de dire des conneries. On rigole trois secondes, puis on passe à autre chose. Et je trouve qu’il n’y a rien de pire que cette frustration de dire : “Je n’ose pas trop dire mon truc, parce que je sais pas trop si ça va être bien reçu.”

La parole doit être libre. Ou en tout cas, on doit retrouver la métaphore de la porte dont je parlais tout à l’heure, qu’on ait l’impression qu’elle soit en permanence ouverte. Après, libre à nous de le partager ou pas. Le collaborateur doit pouvoir aller librement soumettre son idée ou tenter quelque chose sans avoir peur de ce que les autres vont en penser. 

Un peu de tout

C’est-à-dire qu’il faut qu’il y ait des petites, des moyennes et des grandes boîtes, des formes d’organisation différente, des trucs très organisés comme dans les grandes boîtes maintenant très segmentées. Puis, d’autres formats beaucoup plus libres, pour que tout le monde s’y retrouve dans sa structure. Mais le point commun entre tout ça serait, je pense, la présence de dirigeants et des équipes empathiques. C’est vraiment ce qui manque aujourd’hui. Je vois trop de gens autour de moi qui ne sont pas suffisamment bien dans leur travail parce qu’ils ont peur de changer mais aussi parce qu’ils n’ont pas des équipes dans lesquelles ils se sentent bien. C’est un peu le reflet de la société. 

Certains préfèrent quand les frontières sont plus floues, faire plein de choses à la fois. Il y a de tout. Certains veulent rester vraiment sur une tâche ou une chose, et je trouve ça très bien, pourquoi pas ?

Choisir son écosystème

C’est important, ça rejoint peut être la notion de liberté qu’on a abordé au début. Il y une forme de respect aussi, parce qu’on échange entre dirigeants. Ce que j’ai pu percevoir parfois, quand tu es salarié ou pas décisionnaire, tu subis certains choix, qu’on ne t’explique pas ou que tu ne comprends pas et c’est un peu frustrant. Avec mon équipe, on s’est choisi finalement, ça fonctionne bien et comme on a un mode de fonctionnement un peu similaire, ça marche plutôt pas mal.

Mon mari et moi…

Notre objectif, ça serait que ça marche suffisamment bien pour qu’on travaille tous les deux dedans. C’est pour ça que c’est vraiment un projet de couple. Honnêtement, ça me stresse quand même beaucoup. Même si avant on avait vraiment mis les choses au clair, de se dire que ce n’était pas uniquement pour moi qu’on le faisait. C’était aussi pour nous deux, pour dire qu’après on puisse arriver à travailler tous les deux dedans. Que c’était un choix qu’on faisait ensemble. C’était important pour déculpabiliser et vraiment se dire que je n’avais aucune certitude. Il fallait que ce soit bien clair de se dire que ce n’est pas quelqu’un qui se sacrifie pour l’autre mais que ce soit un choix qu’on fasse à deux. 

Pour la petite histoire, quand j’ai quitté mon précédent job, on avait mis des sous de côté avec mon mari et on s’était dit qu’on avait un apport pour acheter un appartement. C’était un peu l’idée et il se trouve que j’ai quitté mon boulot peu après. J’ai passé plein d’entretiens, ça se passait globalement bien. Mais mon mari me disait qu’il ne me sentait pas du tout emballée. Un truc me manquait. Mon cheminement s’est fait et il m’a dit : “Tu as envie de monter ta boite, je le sens.” Il se trouve que je pensais à la même chose. Donc, on a parlé du projet, on est très fusionnel, on a vraiment fait ce cheminement ensemble. Et quand on est arrivé à l’idée, à l’étude de marché, il m’a dit : “Écoute, cherche pas, pour l’instant on est bien dans notre appart, on reste en location”. Et cet apport qu’on voulait mettre dans l’appartement, on le met dans la société. On a vraiment décidé ensemble. Je voulais le partager aussi, parce que je trouve qu’on parle de vie personnelle et de l’entreprise mais je pense que l’entourage est ultra important et encore plus dans ma situation. J’ai eu cette chance aussi, d’avoir un mari à mon écoute, qui me fasse confiance. Quand on est chef d’entreprise, si on n’a pas un conjoint ou une conjointe qui nous soutient et nous encourage, ce n’est pas impossible, mais je pense que c’est difficile.

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