Nos contributeurs

Thierry Vignal

et l’équipe de la SOPCZ

Métier / fonction : SOPCZ (Société des Ouvriers Plombiers Couvreurs Zingueurs) organisée en société coopérative depuis 1905
Domaine d’activité : Travaux publics génie climatique et électrique
Vous en un mot : Engagement et maîtrise

“Savourons nos succès quand ils ne sont pas parfaits de suite. C’est en ratant des marches et en recommençant que nous avons ressenti de la satisfaction. Maintenant il n’y a plus de peur, il y a juste l’envie de faire encore mieux la prochaine fois.”

“Regardons plus devant que derrière. Pas facile quand on a plus de 100 ans. Les diffi cultés ont existé, elles existent. Pour se projeter il faut être résilient et laisser chacun proposer des choses.”

“Si j’ai réussi à transmettre mes compétences, le jour où je ne serai plus là, l’entreprise, elle, le sera. Elle aura réussi et moi avec”

1 : fille directrice d’agence
2 : mec chemise bleue

Réussir la rencontre pour que le collectif fonctionne

Le recrutement est un métier à part entière. Quand j’ai recruté un commercial, je n’avais pas les bonnes questions, je me suis planté. J’ai subi ça. La personne est arrivée, tu fais avec, tu essaies de faire grandir la personne, d’apporter des solutions, etc. Mais au bout d’un certain temps, en tant que directrice d’agence, je sens un malaise. Les gars le ressentent. Ils me demandent pourquoi ça ne va pas ? Lui dit qu’il fait son job. Toi, tu constates que le chiffre n’avance pas, avec les fournisseurs ça ne se passe pas bien. Le gars ne fait rien pour que ça avance. Donc il y a un malaise au niveau de l’agence.

Se résoudre pour préserver le collectif

Je me suis séparé de la personne et je suis resté sans commercial. Donc, j’avais la casquette du commercial et du directeur pour rassurer mes équipes qui étaient sédentaires. Puis, je leur ai dit « je vais prendre le temps de trouver quelqu’un qui correspond à l’ensemble de l’équipe, qui va répondre aux besoins de l’agence et aux besoins du client ». Et j’ai fait passer de nombreux entretiens. 

Cette expérience m’a marqué car je suis énormément basée sur l’empathie, c’est quelque chose chez-moi qui est très important. J’ai passé quasiment 20 ans dans le commerce, j’ai vraiment une façon d’être au plus près du client, de répondre à ses besoins, à ses attentes, tout en accompagnant la personne. Et c’est pour ça que j’ai toujours voulu trouver quelqu’un à mon image. Et je pense que la majorité des personnes ont essayé de faire comme ça. Après, il a fallu aussi trouver la personne qui pouvait s’adapter au mieux, des personnes qui étaient déjà en place : le magasinier, le réceptionniste, ainsi de suite. Donc ce fut très compliqué.

La communication comme ingrédient clé du collectif qui fonctionne ?

J’ai des chantiers qui se répètent. J’ai un chantier type chez un client, c’est mon premier, comment organiser tout ça ? Comment gérer la communication entre le bureau d’études les gars sur le chantier, la pro du matériel et moi ? Il y a forcément des petits soucis. En plus, il y a une opération qui se fait de nuit. Et si, à cinq heures du matin, ça ne repart pas, c’est compliqué. Puis, il y en a eu un autre chantier, puis deux, puis trois et lors du quatrième, j’ai eu le petit message à trois heures: “C’est bon, c’est fini, tout fonctionne, on rentre, merci”. Là, c’est cool. Donc, le lendemain matin, vous allez voir les gars qui arrivent vers onze heures avec le sourire. C’était super bien organisé, tout le monde était content. Je les félicite et on se dit qu’on a abouti à un collectif. Et justement, j’en ai discuté après avec les gars du BE ( Bureau d’études ) : ils ont fait ce qu’il y avait à faire, le dossier était super bien fait, les approvisionnements étaient faits, au niveau du câblage ils avaient fait leur job. Comme ça, les gars de chantier n’avaient plus qu’à faire leur boulot et pour eux c’était le bonheur.

Accepter l’imperfection du début pour tester et se tester

Je pense que rien ne peut être parfait immédiatement, c’est en faisant des essais, puis parfois, en ratant la marche qu’on finit par arriver quasiment à l’excellence. Cela a marché, parce que tout le monde a ressenti de la satisfaction. Maintenant, ils n’ont même plus peur, ils viennent demander quand a lieu le prochain. Ils vont avoir une vigilance particulière, ils vont vouloir reproduire l’excellence. Ils arrivent même à dire qu’on pourrait faire un petit peu mieux sur certaines tâches.

J’essaie d’intégrer le plus de personnes possibles dans le projet. Parce que demain je peux ne plus être là et ça serait à eux de prendre le relais.

Du temps pour se voir

Je reviens toujours sur un point qui est crucial : le concept de communication. Ce que j’ai instauré dans un premier temps, qui n’existait pas dans le service, c’est une réunion bilan mensuel où je commence à dire ce que je fais, mes problématiques et mon futur sur les quinze prochains jours. Et je demande que tous mes collaborateurs fassent la même chose. Ça me permet déjà de visualiser les dossiers qu’ils ont à faire. Et derrière, je leur ai dit qu’on doit s’entraider. C’est-à-dire qu’il y a des domaines, par exemple en informatique, vous serez bien meilleurs que moi. Au niveau social, Karine aura sûrement des compétences supérieures aux miennes. Peut-être que je peux les aider pour des relations avec un fournisseur, pour d’autres connaissances. J’essaie de multiplier et d’élargir les compétences de l’équipe. 

Parler de ses difficultés pour être aidé

Par exemple, avec une société prestataire informatique, j’ai absolument du mal à comprendre que quand on cale un rendez-vous trois à quatre semaines avant et que la veille on vous appelle à 15 heures en vous disant que ce n’est pas la peine de venir demain. C’est bon, stop, on ne me le fait pas, j’ai un peu de vécu maintenant. Je vais me débrouiller. Très rapidement, j’ai déjà des idées pour changer. Parce que je ne peux pas travailler comme ça. 

Ça va générer éventuellement du stress pour mes équipes et moi. Donc, l’objectif est quand même de trouver une certaine sérénité et stabilité. Je n’ai pas la science infuse et je peux avoir des collaborateurs ou des collaboratrices qui peuvent avoir une idée que je n’avais pas. Potentiellement, je vais considérer qu’elle est bonne.

La réussite de l’entreprise : le chiffre et l’image

Le chiffre est la finalité. Ça veut dire que si vous voulez avoir un chiffre positif, avec X chiffres derrière, il faut à tout prix, au préalable que tous les maillons de l’organisation fonctionnent ensemble. L’entreprise aura réussi et aura retrouvé une certaine stabilité et une certaine image déjà en dehors de l’entreprise. 

L’image est déjà en reconquête j’ai cette impression. Après cela dépend peut-être des secteurs.

Je le vois au niveau des habitants et du territoire, j’ai de plus en plus de gens qui m’envoient des messages. Sinon, il y a des années et des années à reconquérir, notamment sur le manque de confiance.

Les mots qui nous viennent souvent : Reconstruction. Fiabilité. Pérennité.

Les gens se disent qu’on peut nous faire confiance. Si on nous appelle certes, ce sera peut-être un peu coûteux, mais ce sera fait. 

On a des métiers manuels donc c’est notre savoir-faire qui fait qu’on croit en nous. Il manque encore un collectif solide pour réunir tout cela, cela va venir.

Le besoin de proximité géographique

Être sur deux sites séparés c’est une erreur pour le collectif.
On est en train de chercher un terrain pour rassembler tout le monde. Marie-Claire parlait de “verbalité”, il faut se voir, s’apprécier dans le travail. 

Cela recommence à coller mais il faut du temps. Il faut reprendre des compétences, parce que pendant des années, on ne prenait plus d’apprentis dans tous les services. Maintenant, on se retrouve avec des gens qui ne sont plus formés ou du moins qui ne sont plus formés avec la SOPCZ.

L’idéal de l’aventure collective à l’épreuve du quotidien

Pour moi il doit y avoir des leaders, il faut que les gens soient cadrés. Si vous les encadrez, vous allez transmettre justement votre savoir-faire, l’esprit de la société et c’est comme ça que ça va pérenniser.

C’est très difficile de gérer une entreprise quand vous avez plusieurs personnes qui peuvent penser différemment. Pour moi, il faut qu’une seule tête prenne des décisions. Il ne peut y en avoir deux, trois ou quatre. Cela ne peut pas fonctionner. 

On évolue dans un modèle économique libéral mais la structure a une gouvernance politique. Mais on doit faire de l’argent finalement. On doit prendre une décision et que tout le monde aille dans ce sens. On parlait tout à l’heure de nourrir la décision par son vécu, mais à un moment donné, il faut une décision et l’accepter.

Autre point très important, il faut avoir une culture d’entreprise.
On est dans un système coopératif. Effectivement, le fait d’évoluer dans un monde économique libéral c’est quelque chose qui n’est pas assez pris en compte.
Cela marche beaucoup mieux quand ça va bien, je ne vais pas dire le contraire.

La problématique, c’est qu’à un moment donné, il y a une perte de règles de fonctionnement. On peut ainsi être en difficulté économique et en difficulté de localisation. Non seulement nous sommes répartis sur deux lieux, mais il y a aussi quatre départements avec quatre méthodes de gestion différentes. 

Ça aussi n’aide pas dans le collectif, quand il y a quatre directeurs, un directeur général, un président, chacun avec une vision du management, de l’outil. 

Quelquefois, on a l’impression que les quatre entités n’arrivent pas à travailler ensemble. Tu veux essayer de faire quelque chose… ça ne marchera pas. Mais si tu n’essayes même pas ! Il faut peut-être qu’on essaie d’avancer, de grandir tous ensemble.

La résilience, une clé pour faire avancer le collectif

Les gens regardent trop derrière, ils n’arrivent pas à se projeter. Mais encore les gens qui s’en vont parce qu’ils n’y arrivent pas et qui trouvent une autre entreprise ailleurs, ce n’est pas un souci, il faut qu’ils évoluent personnellement. Mais ceux qui restent et qui n’arrivent pas à se projeter dans ce qu’on veut devenir, c’est compliqué. 

Il faut aller se confronter à des choses parfois pour les changer. Parfois, il ne faut pas grand-chose. Mais non, ça bloque. J’ai toujours cette image-là des personnages des jeux vidéo qui restent parfois bloqués. 

On ne peut pas communiquer sur le partenariat, sur le collectif si on ne propose pas. 

Une entreprise qui réussit ou un collectif qui est réussi, c’est un collectif qui s’ouvre ?

Dans une coopérative, je le vois comme ça. On est sociétaire, on doit avoir la réponse à toutes les questions qu’on se pose. Chez nous, les anciens directeurs de service verrouillaient tout ça. La semaine dernière, j’ai discuté avec une personne du service de Bordeaux, qui a été rachetée par une autre coopérative. Elle m’a dit que quand elle a été reprise à son poste, elle a eu accès à tous les comptes. Si elle a besoin de quelque chose, elle prend, elle pioche, elle se sert. Comme ça c’est clair. Il n’y a pas de “on dit”. Chez nous, beaucoup de choses ont été cachées et ça a créé un système de peur. 

La réussite de l’individu passe par le fait d’avoir transmis mes connaissances, et que si demain, potentiellement pour une raison je quitte l’entreprise ou je tombe malade, je suis absent pendant deux mois, l’entreprise ne sera pas paralysée. Le service continuera à tourner de manière efficace. 

Financièrement, j’ai ce que je veux, je n’ai pas de souci à ce niveau. Derrière, c’est plus cette notion-là qui m’importe, préparer l’après. 

Je travaille avec tout le monde, je vois tout le monde. Depuis des années, on m’a fait confiance et on m’a laissé m’épanouir. Bien sûr, on veut toujours plus dans le milieu professionnel mais je ne suis pas malheureux, au contraire !

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