Notre contributrice

Frédérique Génicot

Métier / fonction : Coach d’entrepreneurs / Autrice
Domaine d’activité : Développement des compétences RH
Vous en un mot : Slasheuse multipotentielle

“Les freelances sont des éléments complémentaires. Ça amène une autre forme de culture, une innovation. Ce sont des gens qui ont été ailleurs, dans d’autres boîtes, dans d’autres cultures, dans d’autres environnements.”

“Sur quelles fonctions positionne-t-on les freelances ? Sur le développement produit ? Sommes-nous conscients du danger si l’on constitue des équipes externes qui ensuite partent chez nos concurrents ? Il faut impliquer les RH dans le processus de recrutement et d’intégration des freelances pour éviter ce genre de déconvenues.”

“Trouver sa place dans le travail et que le travail soit à sa juste place dans nos vies.”

Quelle place pour les freelances ?

Aujourd’hui, on dit que sont des prestataires. Une entreprise les recrute pour réaliser une mission précise. Or, le freelancing peut apporter beaucoup plus. Il questionne aussi sur l’organisation qui est en place dans l’entreprise.  Ce n’est pas seulement une réponse économique. On ne cherche plus un CDI, on s’interroge sur un parcours, un capital social, le réseau, les compétences et sur comment le faire fructifier. Je crois beaucoup aux agents de freelance. Il n’est pas impossible qu’il y ait demain des gens qui gèrent les carrières avec des questionnements vers lesquelles on va peu aujourd’hui, qui sont : Qu’est-ce que je vais prendre comme protection sociale ? Pourquoi suis-je salarié aujourd’hui ? Est-ce que j’ai pas intérêt à me salarier quand j’ai des enfants ? Ce que j’ai fait personnellement.

Les ressources humaines évitent la question

Les entreprises vont être mises devant le fait accompli. C’est violent. Pour réaliser mon livre(Ndlr: Freelances en entreprise – Dunod ), ça a été très compliqué de parler avec des entreprises. C’est comme si les ressources humaines ne voulaient pas y toucher, comme si elles ne voulaient pas y aller. Je connais un peu la Belgique, je trouve que les Belges sont un peu plus avancés sur le sujet. Peut-être parce qu’ils sont moins nombreux. 

Il y a évidemment ce problème de la requalification du contrat. Cette procédure de licenciement en France est tellement complexe et doit tellement être respectée dans ses moindres détails qu’il y a une peur à ce niveau. Dans les entreprises, il y a toujours eu des freelances avec les informaticiens, les Esn ou le portage. 

Les entreprises vont être mises devant le fait accompli. Elles vont se rendre compte, qu’aujourd’hui, si elles veulent travailler avec certains talents, elles n’ont pas le choix et qu’elles ne connaissent pas bien ce milieu. Elles n’ont pas d’idée du nombre de freelances qu’il y a chez eux. En étant freelance dans une entreprise, vous pouvez vivre une expérience complètement différente qu’un autre indépendant au sein de la même structure. Il n’y a pas de cohérence. Les process d’intégration sont complètement différents, cela dépend des opérationnels. J’en ai encore parlé la fin de semaine dernière avec des gens qui pensent qu’ils vont gérer ça comme ils ont géré le reste.

Ils ont à la fois la trouille, un peu comme le digital, et puis ils vont se faire rattraper par la police. J’ai écrit mon livre pour qu’ils se rendent compte qu’on parle quand même de choses qui sont importantes pour eux. Les entreprises ne le perçoivent pas.

Les freelances sont des éléments complémentaires des salariés

Ils amènent une autre forme de culture, une innovation. Ce sont des gens qui ont été ailleurs, dans d’autres boîtes, dans d’autres cultures, dans d’autres environnements. On importe ça dans l’entreprise et on craint que ce truc deviennent un raz-de-marée, la vague freelance. Ce qui est à moitié vrai, parce que sur certains types de fonctions, oui c’est possible. Mais il y a quand même encore beaucoup de salariés.Je viens de voir des chiffres sur le nombre de salariés qui augmentent. Donc, il faut être nuancé. Il y a cette peur d’être submergé. C’est un peu la politique de l’autruche. C’est très compliqué de dire ça, parce que vous êtes quand même face à des grosses boîtes.

Prévoir des places dédiées aux freelances dans les entreprises

Si vous ne savez pas sur quel sujet vous mettez des freelances, effectivement le risque, c’est de les mettre sur des sujets qui sont hautement stratégiques. Aujourd’hui, c’est une réponse opérationnelle, financière avec les achats. Et il n’y a pas de réflexion parapluie qui est de dire : “Attendez, les gars, sur quelles fonctions met-on des freelances ? Est-ce qu’on décide que le développement produit, c’est que nous ? Est-ce qu’on est conscient qu’on se met en danger si on constitue des équipes qui créent des produits et après ces gens vont chez nos concurrents ? Comme les RH ne sont pas impliquées, potentiellement. C’est un risque.

Le freelancing rentre dans l’équation

Cela suppose une vraie réflexion sur les objectifs stratégiques et les ressources que je mets en face. Et comment vais-je chercher ces ressources ? Ce que j’explique aussi, c’est que le freelancing devient un élément : Vous avez cette ressource-là, est-ce que c’est un CDI ? Est-ce que je recrute ? Est-ce que je fais de la mobilité interne ? Est-ce que je prends un freelance ou est-ce que je fais du management de transition ? Il n’y a pas de réflexion là-dessus parce que ce n’est pas une composante du choix aujourd’hui. Parce que le management de transition est un peu géré par les RH et qu’il a été beaucoup mis sur des jobs élevés, sur les activités d’encadrement, etc. Donc la RH était impliquée dans le process. 

Maintenant, quand vous regardez le management de transition, il y a beaucoup de ce qu’ils appellent “le management intermédiaire”. On vous prend quelqu’un pour faire le pont entre quelqu’un qui part et quelqu’un d’autre. Mais c’est un peu long, on prend quelqu’un et ça va nous donner le temps de faire le bon recrutement. La réponse est à la fois dans quelque chose qui est très stratégique, en disant qu’on considère que cela fait partie de notre sourcing, et à la fois très opérationnelle. Là, on est dans le flou artistique. On a une réponse qui est économique, parce que c’est une masse d’argent donc les achats, vous prenez le truc. Et on a une réponse qui est excessivement opérationnelle, puisqu’on laisse le truc aux gens qui sont avec les freelances.

Ils n’ont pas l’outil pour gérer les freelances

C’est délaissé. On n’a pas d’endroit où toute cette information se trouve. Ce sont des décisions qui sont quand même très stratégiques, qui sont prises au niveau de la direction générale. Charles Arkwright de l’Oréal, disait : “La pratique précède le droit”. C’est-à-dire qu’on a l’impression qu’on avait besoin de solutions opérationnelles, on avait des SS2I, les ESN… et ça a ruisselé, sur des fonctions qui étaient à la fois web et tech, marketing et communication, puis maintenant les fonctions support. Ca ruisselle comme ça, avec évidemment des acteurs sur le marché, des fameuses plateformes qui prennent ce côté réseau digitalisé. C’est le modèle économique de la plateforme, la mise en relation entre une offre et une demande. Il faut du volume, et c’est comme si tous les éléments s’étaient bien imbriqués, sauf que ce ne sont pas les RH qui ont dit : “Attendez, nous, on a besoin de ça”.

Les Rh doivent revenir au centre du jeu

Comme au football, elles sont sur le banc de touche. Je suis la voix des freelances au sein des RH. C’est-à-dire que je peux expliquer ce que c’est un freelance. Oui, il faut que les RH se rendent compte qu’elles sont en train de passer à-côté d’un truc énormissime. Dans certains endroits, on ne trouve pas de personnes qui veulent être salariés. Et si vous voulez, ça ne vaut pas la peine de dire : “On ne trouve pas mais on va faire une campagne pour trouver”. Aujourd’hui, les gens seront, selon les moments de leur vie, salariés ou freelances ou les deux en même temps. Et même dans un pays comme la France où on est très arcbouté sur la protection sociale, on est déjà là-dedans.

La perception du freelance dépend du monde dans lequel vous avez évolué

C’est très structuré par l’environnement culturel dans lequel vous avez baigné. Je ne peux pas faire une réponse simplement en disant que c’est un sujet RH, c’est un sujet d’entreprise. Je vois mon cas où j’ai vécu dans un pays qui est très ouvert. Je suis venu travailler en France. Je parle le flamand, je parle l’anglais, mon ex mari est Français , il a fait des études aux États-Unis et nos enfants, mon fils aîné, fait des études à Montréal et mon fils cadet vit en France. Pour nous, c’est un non de sujet, si vous voulez. 

Après, ça veut dire qu’on rentre dans des discussions qui sont : quel est le rôle de l’école ? Quel est le rôle de l’éducation ? C’est un sujet passionnant, parce que c’est un sujet qui remonte en amont sur l’éducation c’est un sujet qui va vers l’aval : mais c’est quoi la retraite ? Qu’est-ce qu’on fait ? Comment s’arrête-t-on ? Il y a des gens qui vont réfléchir sur le travail de demain. Est-ce que c’est travailler quatre jours? Et puis se dire qu’un jour on fait ce qu’on veut ? Je n’ai pas cette conviction. J’ai une valeur très forte, qui est l’accomplissement personnel : chacun gère son parcours professionnel. C’est un capital qu’on a, qu’on développe, etc. Mais ça, c’est moi, et c’est une vision qui n’est pas très libérale mais qui est très responsable. On revient sur le modèle de la réussite.

Réussir, c’est être responsable

C’est être responsable dans un environnement extérieur, avec les gens. On parle beaucoup des leaders conscients mais on ne peut être bien avec les autres que quand on est bien avec soi-même. Et je crois plus à une forme de responsabilité individuelle, qu’on apppelle libéralisme en France, ce que je trouve très idiot. Le vivre-ensemble n’est possible que si on vit bien avec soi. Pour moi, la réussite d’une entreprise, c’est la réussite d’une somme d’individus. Qu’est-ce que je peux vous dire de plus ? Je peux parler de ce sujet pendant trois heures.

Envie de découvrir d'autres contributions ?

Au total 20 contributeurs pour le travail demain

Frédérique a contribué sur les thèmes

Voir les cartes

Les liens de l’écosystème

icon dtalents Liens écosystèmes restitution
Voir les cartes

Les rapports hiérarchiques

icon dtalents Rapports hiérarchiques
Voir les cartes

Définition de la réussite

icon dtalents Définition de la réussite