Notre contributrice

Léa Sarcinella

Métier / fonction : Fondatrice d’Osez nu
Domaine d’activité : Consommation accessible responsable et locale / Développement web
Vous en un mot : Rêveuse réaliste

“Avec la cofondatrice, nous sommes très alignées sur les valeurs à privilégier dans notre entreprise. On voulait porter les mêmes causes, on avait les mêmes centres d’intérêt. Les désaccords sur le reste sont alors devenus accessoires.”

“On est de toute façon dans une réussite perpétuelle. Le simple fait d’évoluer pour moi est déjà une réussite.”

“Les gens ont le droit de ne pas vouloir avoir une ascension fulgurante tout le temps. Il faut l’assumer aussi et ce n’est pas facile, parce qu’on nous dit en permanence qu’il faut réussir. Alors que la défi nition de la réussite est propre à chacun et il faut respecter ce choix individuel.”

La création d’une entreprise, une réussite personnelle ?

Clairement. J’ai repensé au moment où on imaginait tout juste le projet. Maintenant, on a notre application sur le téléphone, c’est du concret. Ce n’est pas le but ultime. Il n’y en a jamais vraiment. Mais c’est un chouette cap de franchi. Je suis fière de ce qu’on a fait jusqu’à maintenant. Il y a des choses dont je ne pensais pas être capable. C’est une énorme réussite !

Dans un groupe, chaque individu doit s’épanouir pour réussir

Du point de vue de l’entreprise, à partir du moment où il y a une équipe, sa réussite passe par la réussite individuelle de chacun. C’est un ensemble. C’est valable aussi au sein d’un collectif et en tant qu’individu. Si on arrive à s’épanouir dans son travail, ce qui représente une part importante, cette réussite qui va être générale.

Y a t-il un moment où on peut se dire que l’on réussit ?

Oui, car tout le monde se fixe des objectifs à différentes échelles, et au sein de ces buts, il y a des sous-objectifs. On est dans la quête de cela. On est dans une réussite perpétuelle qui peut être plus ou moins importante. Il y a des niveaux d’importance qui sont différents mais le fait déjà d’évoluer est déjà une réussite. C’est très personnel, il y a des gens qui ont moins envie de le faire. Je sais que j’ai besoin d’évoluer, de découvrir des choses, des gens. 

Aligner valeurs professionnelles et travail

Adolescente, la notion de l’entrepreneuriat n’existait pas pour moi. C’était vraiment : être salariée, gagner un bon salaire, beaucoup voyager à travers le monde. Et je n’avais pas cette quête de sens dans ce que je voulais faire. A un moment donné, la question écologique a été très importante et est devenue une grosse part de ma vie. Et j’ai eu besoin de donner du sens au travail que je faisais. Maintenant, c’est une envie, en tout cas sur le plan professionnel, d’être en accord avec ce que je fais, tout en pouvant quand même gagner sa vie de manière convenable. Malheureusement, on ne vit pas d’amour et d’eau fraîche.

Ma réussite individuelle est atteignable

Sur ce point, c’est réel. Tandis que sur d’autres, je crois que c’est le mouvement même qui alimente le changement. C’est un peu comme entreprendre une randonnée vers le sommet d’une montagne : une fois là-haut, il faut redescendre. Il y a cette incessante recherche, cette quête de quelque chose de plus. Peut-être que ce sentiment se renforcera avec l’âge, lorsque l’énergie et les désirs pourraient diminuer. En fin de compte, ce sont ces petites victoires que je souhaite remporter, avec un objectif global en tête, car c’est cela qui me motive à chaque fois à les poursuivre.

La clé : se sentir utile

Au niveau de mon travail, par exemple, j’ai besoin de savoir que ce que je fais est utile aux autres. Nous avons voulu créer Osez Nu dans ce but. Notre mission est de rendre la consommation responsable plus accessible, à la fois par une dimension budgétaire et par l’apport de connaissances. Le simple fait de savoir où se trouvent ces commerces engagés est important. En effet, le premier frein pour une consommation dite responsable est le prix pour la moitié de la population française. On a fait en sorte que cet outil soit utile à la fois pour les citoyens et pour les commerçants.

Trouver une entreprise avec laquelle on partage des valeurs

Si Osez Nu s’arrête et que je dois reprendre un travail salarié, il y a des entreprises dans lesquelles je ne pourrais pas aller. Cela ne me conviendrait pas. Par contre, ce n’est pas toujours évident, car personne n’est parfait et il faut faire des concessions. On ne peut pas toujours être 100 % aligné avec ce que l’on voudrait faire.

Est-ce que tu serais la même Léa si tu étais salariée ou si tu étais indépendante ?

Je ne suis pas certaine. Les expériences que nous vivons façonnent qui nous sommes. Je ne suis pas sûre que j’aurais les mêmes réflexions, les mêmes manières de penser et d’agir. Je ne dis pas que j’ai toujours voulu être entrepreneure, car ce n’est pas vrai, mais il y a toujours eu cette volonté de créer quelque chose qui me ressemble, dans lequel je me sens vraiment bien. C’est à partir de là qu’a mûri l’idée que l’entrepreneuriat serait une solution pour créer une entreprise en accord avec mes valeurs.

Un décalage entre nos valeurs et la réalité

Avec la cofondatrice, nous avons eu de la chance parce que nous sommes très alignées sur les valeurs à privilégier dans notre entreprise. On voulait porter les mêmes causes, on avait les mêmes centres d’intérêt autour du voyage, de l’écologie, etc. On s’est vite entendu là-dessus. Autant, on s’est disputé sur beaucoup d’autres choses, autant là-dessus, non. C’étaient plus des discussions de jusqu’où on va dans ce dans ce processus. Par exemple, les professionnels sont sélectionnés par le biais d’une charte avec douze critères. On y retrouve l’agriculture biologique, le made in France, le côté local, les circuits courts, etc. Les commerçants doivent valider quatre de ces douze critères. Et typiquement, la création de cette charte a été un peu complexe. On a très vite compris qu’on ne voulait pas se positionner en tant que label, car ce n’est pas notre métier. On ne va pas faire d’audit chez les gens et on s’appuie sur les labels existants et une relation de confiance qu’on a avec eux. Au départ, on voulait que les commerçants cochent huit critères sur douze. On s’est rendu compte que cela n’avait pas de sens. Il y en a pour qui les critères n’ont aucun sens. Par exemple, un commerce d’électroménager de seconde main n’est pas concerné par le bio. D’autre part, la volonté était aussi de mettre en avant les gens qui, justement, faisaient de leur mieux et faisaient ce qu’ils pouvaient. Et c’est exactement ce que nous essayons de faire, car on est loin d’être parfaits. C’est aussi cela qu’on voulait mettre en avant. C’est là aussi qu’entre les valeurs que nous avons et ce qu’il est possible de faire, il peut y avoir un décalage. Et ça, il faut l’accepter aussi.

Savoir s’écouter

Je dirais aux plus jeunes :  “Entendez tout mais n’écoutez pas tout”. Parce que les gens sont très forts pour nous prodiguer plein de conseils tout le temps, et ils savent toujours mieux que nous. Parfois, c’est nécessaire et hyper pertinent pour la personne. Parfois, au contraire, ça l’est moins. On a le droit de se planter. Pour moi, ça fait partie aussi de la logique. Finalement, si on essaye quelque chose et que la voie ne nous plaît pas, ce n’est pas grave. Je me suis perdue quelques mois en médecine, c’est ok. Je leur dirais d’écouter, mais aussi de faire le tri.

Repenser son rapport au temps et accepter que tout le monde ne veuille pas réussir

J’ai apaisé une angoisse en apprenant à apprécier ce qu’on vit dans l’instant. Je trouve que ça remet aussi en question le rapport au temps de manière globale, comme le temps qu’on prend sur des notions essentielles, par exemple, à faire ses courses, à cuisiner. Par exemple, quand on fait un voyage, on veut tout voir en une semaine. Pourquoi pas mais c’est important de prendre aussi le temps de vivre. Et je trouve que c’est un peu pareil dans le boulot.

En tout cas, c’est ma philosophie qui fait que je suis aussi un peu moins angoissée vis-à-vis de tout ça. Car je trouve que c’est un stress fou et c’est dommage de stresser pour le travail. On va quand même travailler quelques années de notre vie, autant que ce soit du plaisir. Puis, les gens ont aussi le droit de ne pas vouloir avoir une ascension fulgurante tout le temps. Je pense qu’il faut l’assumer aussi. Ce n’est pas facile, je trouve, car nous répète qu’il faut réussir. Et encore une fois, la réussite est propre à chacun, et je pense qu’il faut le respecter.

Où placer la réussite d’Osez nu ?

La réussite d’Osez Nu a plusieurs dimensions. Si nous parvenons déjà à la faire fonctionner à Lyon, ce sera une victoire pour moi. Cela signifiera que nous avons permis à des gens d’avoir accès à une consommation responsable plus facilement et que des professionnels ont été mis en avant. Ensuite, si nous parvenons à en vivre, ce sera une autre réussite, ce sera incroyable. C’est la première partie de la réussite. Si cela se développe bien et que nous pouvons aller dans d’autres villes, ce sera merveilleux ! Il y a différents stades de réussite. Si nous atteignons 5 000 utilisateurs, ce sera génial. Des gens qui l’utilisent vraiment, cela signifie que nous sommes utiles.

Le rêve comme moteur de l’entrepreneuriat

Pour se lancer dans l’entrepreneuriat, il faut rêver, parce que sinon on ne se lance pas. Au départ, quand on a commencé, on avait juste des étoiles plein les yeux et on était dans un rêve total. Ensuite, on s’est confronté à la réalité en se disant que ça serait un peu plus long que prévu, et un petit peu plus complexe. C’est toujours présent quelque part. Par contre, si on y pense tout le temps, on ne peut pas être content de ce qu’on fait. Mais c’est toujours quelque part, dans un coin de notre tête, même si ce n’est pas exprimé tout le temps. J’espère que les gens rêvent. Encore une fois, peu importe les rêves des gens. Typiquement, je ne rêve pas d’être à la tête d’une multinationale, cela ne m’intéresse pas. 

Les jeunes osent davantage

Je vais peut-être avoir un discours de vieille personne mais je n’avais pas forcément dans mon entourage des gens qui entreprennent quand on avait entre 16 et 20 ans. Il y a quand même pas mal de jeunes qui se lancent et qui font des choses sur les réseaux, ou qui montent des petites boîtes, ou qui testent plein de trucs, je trouve ça génial. 

Pour moi, le côté personnel rentre de plus en plus en ligne de compte, comme se sentir bien, se sentir heureux… Les gens n’attendent pas les mêmes choses aujourd’hui. Ou en tout cas pas aux mêmes conditions, et elles sont en train de changer. Même sur la considération pour ses salariés; parce que maintenant, il y a des dimensions RSE, la qualité de vie au travail… Il y a beaucoup de choses qui se développent et le but, c’est que les gens soient contents d’aller bosser.

Une histoire de compromis

Encore une fois, il y a les envies des uns, les envies des autres. Pour moi, la communication est primordiale et l’idée est d’arriver à un compromis qui soit le plus juste possible pour tout le monde. Puisque l’entreprise a des contraintes, c’est indéniable. 

Pour que tout le monde s’entende bien, il faut que les gens communiquent et comprennent aussi les contraintes des autres, parce que sinon, ça ne fonctionne pas. 

C’est nécessaire. Parfois, je peux changer d’avis sur un sujet et pourtant je ne me suis pas transformée. Mais il y a des choses qui passent par la discussion. La vie est faite de compromis. On ne peut pas avoir tout ce qu’on veut tout le temps ou ne rien avoir du tout. On nous dit qu’on ne peut pas avoir le beurre, l’argent du beurre. Ok, mais c’est à la fois valable et non valable.

Entreprendre, c’est apprendre

En créant Osez nu, depuis quatre ans, on ne fait qu’apprendre. On apprend au niveau professionnel, on apprend sur nous. Cela a été riche de connaissances, c’est incroyable. Je suis certaine que si j’avais eu un job salarié, je n’aurais pas eu ça. Parce qu’on a dû s’adapter, on a dû aller vers des choses qu’on n’aime pas au départ. Il y a quand même des choses sur lesquelles on n’est pas à l’aise, onte surpasse, on sort de sa zone de confort, c’est génial. Parfois, ce sont des moments désagréables, on stresse aussi beaucoup. Et c’est logique car on ne sait pas si ça va fonctionner, on ne sait pas si on aura les fonds nécessaires pour le développer. Ce n’est pas joyeux tous les jours, loin de là. Mais globalement, ça a été hyper riche d’apprentissage.

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